THÉÂTRE JEUNE ET TOUT PUBLIC
L’ancien collège
Juste
vouloir un peu de thunes
Ma mère,
ne plus lui demander d’fric
- elle bosse assez comme ça - :
Deux jobs,
elle est crevée
L’envie
d’acheter des marques
J’aimerais,
pour que ça claque :
les fringues, les sacs, les phones,
C’est pas que pour les gosses de riches
-ces populaires et leurs euros alignés-
Alors, je repère
des portables pas vraiment planqués,
dans les casiers, les sacs
Juste fouiller,
au bon moment,
sans être vu
Et puis,
les grands frères pour
bicraver
Dans les poches,
au bout du compte,
un paquet de fric
Floooouuuuzzzzzzzzze,
Bif
Mais,
ça a fuité :
dossier grillé
Ma mère convoquée
-daronne en mode panique-
Conseil de discipline
-pas de marche arrière possible-
Fin mai :
exclusion
définitive
C’est bon :
juin arrive,
juste le temps de trouver
un nouveau collège,
un casier neuf où m’enfermer
2nd extrait : tenir
Tenir
face aux insultes qui ravagent,
et aspirent l’énergie d’être là
Tenir
et danser la vie avec Easy
Tenir
le contrat
Rester concentré
Tenir
Ne pas laisser ma tête
s’écrouler sur les cahiers
Tenir,
rire,
Bianca, Easy et moi
Ne pas laisser ma colère
dessouder nos éclats de joie
Rire et
tenir,
Entrevoir
mon cerveau s’envoler, loin ;
le ramener
vers les mots qui s’emmêlent
et s’affolent
sans plus de sens ni de raison
Explosion d’émotions,
hors contrôle
Tenir
l’autre creux dans mon ventre à distance ;
celui de l’amour qui fraye, nage dans la peur,
intense,
immense
Tenir encore,
juste sur le bord,
le rebord
Tenir
Après les cris dans la cour,
revenir au silence du bocal,
la douceur d’Hortense,
les rêves de yaks russes d’Elyne
Dans la tête,
partir loin
Tenir tête à mon corps qui crie :
« J’ai faim »
et fait mine de rien
Tenir
ceinture à mon pantalon,
laisser glisser les fringues sur mes os
et gagner des tailles par superposition, c’est coton
Tenir
droit mon squelette qui claque
et joue la poupée
désarticulée
Extraits du texte Zâo la rage :
Pour ados à partir de 11 ans
Les deux extraits présentés ci-dessous sont mis en musique dans le spectacle.
1er extrait : l’ancien collège et l’exclusion de Zâo
L’ancien collège,
les potes de la cité
et
les frangins plus âgés,
trop stylés,
trop sympas
Pour eux,
pas de collège
et
y’a jamais eu de lycée
Traîner sur la dalle,
attendre
le client qui passe,
un deal en passant
En attendant,
parler de tout,
de rien ;
la vie
Rester là,
ensemble
PERSONNAGES :
Philomina : enfant, élève de classe de primaire.
Philomina bégaie. Ce bégaiement donne un rythme particulier à son élocution.
Dans le royaume qu’elle s’invente, elle détourne cette difficulté en libérant, souvent par à-coups, un flot de mots dont elle ne connaît pas toujours précisément le sens. Elle s’amuse notamment de recompositions de mots pour un jeu sonore qui ouvre sur les sens et les images. Elle invente sa langue pour trouver sa poésie.
Yuliz : enfant réfugié, élève de la même classe que Philomina. Yuliz n’a pas les mots et dialogue avec les autres par les images, le dessin.
Le père de Philomina.
Le Roi des croûtes : le papa de Philomina dans le royaume qu’elle s’invente.
La maîtresse de l’école primaire.
Camille : élève de la classe de Philomina et Yuliz.
Et les autres élèves de la classe dont les membres du groupe ¨7ème continent¨.
D’autres enfants de l’école.
La voix de la radio.
Autres personnages évoqués :
Ulysse et les autres personnages de l’Odyssée d’Homère
Extraits du texte Le Roi des croûtes :
jeune public à partir de 8 ans
Dans le salon en chantier de sa nouvelle maison, pièce de jeu de Philomina.
Des bâches plastiques destinées à protéger le salon en travaux sont étendues.
Philomina les manipule, les façonne de manière à créer les personnages, les décors et les paysages de son monde imaginaire.
Le père
Philomina, tu viens de rentrer ?
Tu as pris ton goûter ?
Tu es encore dans le salon…
J’ai vu que tu avais touché aux bâches.
Fais attention, elles sont pleines de poussière. C’est peut-être pour ça que tu te grattes, hein ?
Tu ne me dis rien…
Il faut que j’avance les travaux de la maison.
Demain, rappelle-toi, tu iras seule à l’école.
Tu fais très attention d’accord ?!
D’accord ?!
Oh ! Tu me réponds ?!
Philomina
Oui.
Le père
Je suis sur les travaux de peinture alors écoute-moi bien, je ne te le répèterai pas ; il faut que
j’enchaîne les couches et ça sèche vite.
Tu marches sur les trottoirs, tu traverses sur les passages piétons ; c’est la base.
Oui, je te le dis à chaque fois mais c’est toujours utile de le rappeler.
Si une voiture ralentit près de toi, tu restes à distance ; si tu ne connais pas le conducteur, tu ne
t’arrêtes pas et, si tu le connais, tu poursuis ta route.
C’est la même chose, je sais.
Tu m’as bien compris : tu marches jusqu’à l’école, sans faire attention à quoi que ce soit.
C’est clair ?!
Et si tu peux courir, c’est encore mieux.
Je rigole !
Tu n’oublieras pas de mettre ton gilet jaune fluo pour être sûre qu’on te voit.
Ne fais pas la tête, tu es très jolie avec.
Tu m’écoutes ?!
Philomina
Oui…
Le père
De toutes façons, je te le répèterai ce soir, avant le coucher, et demain matin, avant que tu partes.
Philomina
…
Le père
Philomina, tu ne me dis rien. Philomina !
Philomina (joue seule, sans que son père ne l’entende)
Dans mon Roy’home à moi, mon Pap’ah est le Roi.
Il aime la gratte, la-le rap’, la zique, la course-en sac et pas les maths.
« Haut les pattes ! » C’est-ce-qu’il-dit aux enf’ants trop sages.
Il aime voyages, pays, mares et intimes paysages, cratères, îlots, archi, à la pelle. Il déteste marelle, routes, école et mazout.
Pap’ah est le Roi, le Roi des grattes, le Roi des croûtes. Jamais il ne se presse ni ne s’inquiète, ouf !
Dans mon Roy’home, je suis Princesse.
Oui, mon Roi Pap’à-croûtes, que dis-tu ?
Le Roi des croûtes (Philomina interprète le Roi)
Philomina ne pousse pas la chevillette du crabe et pince la clé à molette dans le retardateur horaire.
Ne t’embourbe pas la fesse dans le tambour de la machine à laver les neurones.
N’écoute pas la mess-stress et avale le comique troupier.
Ra-len-tis !
Tu vis, t’avances.
Vas-y, quand tu veux !
Chausse tes chaussons et mange tes lacets !
Tchiqueti, tchiqueti, Zaï Zaï Zaï !
Philomina
Oui ! Enf’ mon Roi-pap’, à nô-tréquepo… Et poc ! les princes-cessent et le toutim des princesses se bala[doum]dines pieds-nuits.
C’est plus f’vrai.
Bada[boum] tchi-tchi.
Et sur-tout elles n’ont bas-beurre de rein. Elles z’avancent, c’tévid’danse.
Le père
Philomina, tu es où là ?
Oh ! Tu rêves ?
Je te demande de me répondre, c’est important.
J’ai vu tes premières notes de l’année.
Ce n’est pas brillant : grammaire et orthographe…
Philomina (répond à son père)
J’aime-raide_raie, [j’aime la raie], jaimerais êttrre moins graff’euse et pluzzortrop, ortho_picale.
OR-THO-GRAfff !
Trop, c’est trop ! Les mots se bouchent, se mouchent, éclat_brousse, poussent et se morphosent.
J’y arrive pas et la gras-grand-grrr-mère non plus.
Le père
Philo, fais un effort ; je ne te comprends qu’à moitié !
Avant, tu ne bégayais pas…
On en reparle ce soir, d’accord ?
Philomina
Pap’ah ! Ça me coûte, moi !
Je ne bègue pas : je trouillotte la langue ; je lippe-lape.
C ’est la carèche du chhheZz-V’eux sur la Llll’.
Pap’ah, goûte les mots !
LeZ_hôtes, ils se moquent. Ils disent que mes-mots-à-moi volent leur temps.
Ça griffe, c’est grav’ !
J’ai-je crie : aïh !
Le père
Philo, je n’ai pas le temps, là.
Ce soir, dacodac ?
Philomina (pour elle-même)
Dac ou pas dac, c’est pas… , le disqu’tournenrond et se raye.
Le temps de mon Pap’ah s’envole loin de moi.
Heureusement, mon pap’ Roi-des-croûtes est là, lui !
(s’adressant au Roi des croûtes)
Pap’à croûtes, réveille-toi mon Roi, libère le lit et re-garde ici-là-bas.